“Alors qu’un gouvernement très provisoire s’aligne déjà sur les vœux du Rassemblement National, des collectifs s’organisent pour pirater les visées de Bolloré”.
Un passage de la brochure des collectifs décentralisés “désarmer Bolloré” résolus à agir contre les intérêts du groupe détenu par le milliardaire des énergies fossiles, de l’industrie et des médias, Vincent Bolloré, appelle à l’abordage.
Une carte de ces lieux d’intérêt est même disponible en ligne. Dans le sud-Alsace, on y repère le projet de “Giga factory” à Wittelsheim, au nord de Mulhouse, dont nous reparlerons bientôt, ainsi que le dépôt Bolloré Energy de Riedisheim.

Ce mercredi fut donné l’une des premières “vagues” d’assaut contre Bolloré et son “empire du pire”. Et la bataille contre l’étoile noire de l’audiovisuel passe cette fois-ci par les kiosques “Relay”, placés dans les gares de Mulhouse et de Colmar.
En 2013, le kiosquier placé sous l’égide du groupe Lagardère (historiquement Hachette, depuis passé sous pavillon Bolloré), remportait l’appel d’offres qu’avait lancé la SNCF, au travers de sa filiale “Gares & Connexions“, chargée depuis 2020 de gérer les 3029 gares voyageurs du réseau ferré national français.
Il y a 12 ans, l’objectif de Lagardère était de conserver le monopole de l’exploitation des 307 points de vente de presse dans les gares françaises, sous l’étendard monopolistique “Relay”. Ce qui fut obtenu assez aisément au détriment du britannique “WHSmith” (géant de la distribution de produits culturels outre-manche) et du groupe de restauration français “Elior“, qui disputait le premier (et seul) appel d’offre de toute l’histoire de la compagnie ferroviaire en matière de distribution de presse.
Il est vrai que le groupe avait sorti la grosse armurerie sociale, en suggérant au transporteur public qu’il serait contraint à des licenciements s’il perdait ce contrat…
La concentration des médias entre les mains de grands groupes industriels, comme celui de Vincent Bolloré, soulève des préoccupations majeures pour la liberté de la presse et la démocratie.
Tentacule médiapolitique
Vincent Bolloré a constitué un empire tentaculaire dans les médias français, incluant des chaînes de télévision (CNews, Canal+), des stations de radio (Europe 1), des maisons d’édition (Editis, Hachette) et des titres de presse écrite (“Journal du Dimanche”, “Paris Match” (passé depuis chez Arnault) puis “JDNews”). Cette concentration lui confère un contrôle direct sur une grande partie de l’information diffusée en France [1][3][5].
Ce faisant, l’impact sur le pluralisme est immédiat : La domination de Bolloré réduit considérablement la diversité et le pluralisme de presse. Les lignes éditoriales sont alignées sur ses convictions conservatrices et réactionnaires (bien qu’il se présente en “démocrate-chrétien”), marginalisant les opinions divergentes.
Sa technique consiste à racheter un titre et à l’évider de ses personnels non inféodés. Il impose une direction à sa main provoque la raideur nécessaire pour que les clauses de conscience des journalistes se multiplient à la manière d’un plan social déguisé.
Après le rachat du JDD, une grande partie des journalistes a ainsi quitté la rédaction en raison d’une réorientation idéologique imposée par le grand patron, qui placera Geoffroy Lejeune à sa tête, c’est à dire l’ancien directeur de l’hebdomadaire “Valeurs Actuelles” dont il fut licencié pour sa ligne trop droitière…
Jus de presse amère
La concentration médiatique sous Bolloré procède d’une remise en cause directe des principes fondamentaux d’une presse libre et indépendante : les journalistes travaillant dans ses médias subissent des pressions pour respecter une ligne éditoriale stricte. Ceux qui s’opposent risquent licenciements ou marginalisation.
Toute forme de déontologie est bafouée : des chaînes comme CNews sont accusées de promouvoir des discours polarisants et extrémistes, souvent en rupture avec les standards journalistiques minimaux.
Mais l’empire médiatique de Bolloré est d’abord voué à servir de levier pour influencer l’opinion publique et promouvoir une idéologie conservatrice et autoritaire.
Le “Bollomédias” soutiennent ouvertement les idées d’extrême droite : CNews est devenue un tremplin pour des figures politiques proches du Rassemblement National, contribuant à leur normalisation dans le débat public.
Ils manipulent le débat démocratique : en contrôlant l’information, et en orientant les priorités médiatiques vers des thèmes qui servent ses intérêts économiques et idéologiques.
Cadre juridique laxiste et neutralisation des contre-pouvoir
La France manque de régulations efficaces pour limiter la concentration des médias. Par l’absence de contrôle strict, le cadre légal actuel permet à des industriels comme Bolloré (ou d’autres en France) d’acquérir massivement des actifs médiatiques sans contrepoids significatif, quand d’autres pays imposent des restrictions plus strictes pour préserver le pluralisme médiatique.
Ce faisant, la concentration médiatique réduit le principe de pluralisme : quelques groupes contrôlent l’essentiel des médias, rendant biaisé et appauvri le débat public. Les médias sous contrôle industriel perdent leur capacité à critiquer librement les pouvoirs politiques ou économiques, c’est à dire leur raison d’être.
Appels à l’action
Des collectifs comme “Désarmer Bolloré” alertent alors sur ces dangers, et réclament une stricte régulation afin de protéger le pluralisme et la liberté de la presse, par des propositions concrètes, incluant notamment l’interdiction pour un groupe industriel de posséder plusieurs types de médias (télévision, presse écrite, édition) ou la mise en place d’une gouvernance indépendante au sein des rédactions.
Des phénomènes aussi convergents qu’inquiétants qui appellent tous une réponse politique urgente, pour oxygéner le débat public, l’ouvrir et le centrer enfin sur des enjeux d’intérêt public, comme le climat, la participation citoyenne, le rapport au travail, et les transformations sociales et sociétales qui les accompagnent nécessairement…
Article paru sur le site de l’Alterpresse68