Benjamin Ferron, sociologue des médias, dans son mémoire LA PRESSE ALTERNATIVE LOCALE EN FRANCE, présenté et soutenu en septembre 2004, essayait de poser une définition de ceux que nous nommons par des expressions telles que “média alternatif”, “presse alternative”, “journalisme alternatif”, “journaliste alternatif”, “information alternative”, etc. :
La première remarque que nous pouvons faire est que l’adjectif “alternatif” ou le nom “alternative” relèvent d’un vocabulaire indigène, mais que certains “journalistes alternatifs” expriment des réticences ou refusent de se voir qualifiés de la sorte. Par conséquent, ces termes doivent être considérés en premier lieu comme des enjeux de luttes sociales internes et externes pour la définition de cette activité. Cette remarque invite à une utilisation particulièrement précautionneuse de ces termes. Pour le Dictionnaire Alphabétique et Analogique de la Langue Française, l’adjectif “alternatif” peut être utilisé pour caractériser (a) un mouvement dynamique (“qui présente une alternance”); (b) une proposition logique (“qui énonce deux assertions dont une seule est vraie”); ou (c) une “solution de remplacement” (ce dernier usage, issu de l’anglais, étant contesté). Ces trois dimensions se retrouvent dans la définition du nom “alternative” qui peut être entendu comme (a) un ensemble de “phénomènes ou états opposés se succédant régulièrement”; (b) une “situation dans laquelle il n’est que deux partis possibles”; ou (c) une “solution de remplacement” (emploi critiqué). Compte-tenu de ces définitions, en quoi et/ou à quoi la presse alternative est-elle “alternative” ? Comme le remarque John Downing “n’importe quoi, d’un certain point de vue, est alternatif à quelque chose d’autre”. Pour Pierre-José Chadaigne, le premier obstacle à toute tentative de définition de la presse alternative vient de “l’opposition entre son aspect marginal (en dehors du système) et son aspect altérant (contre le système)”. Il se demande ainsi si “l’alternative peut exister sans références à une opposition”, comme l’envisage, par exemple, Clemencia Rodriguez. La presse alternative est-elle alors une “autre solution” ou une “contre-solution” par rapport au système qu’elle critique, ou bien, conformément au sens dynamique du terme défini précédemment, doit-elle être considérée dans la perspective dynamique d’un “mouvement de succession régulière des opposés” ?
C’est pour répondre à cette question que nous plaçons notre travail dans la perspective d’une analyse sociodynamique des relations entre la presse alternative et le “système de pouvoir local”.