La rédaction d’axelle a la fierté d’annoncer la publication d’un texte collectif consacré aux pratiques journalistiques féministes. Fruit d’un travail d’équipe de plus d’un an, mais aussi de 25 ans d’expérience de notre média, c’est une invitation à repenser le monde, à notre échelle

Le magazine féministe belge axelle, trait d’union entre les contributrices du brouillon 1 pour un journalisme féministe, a eu 25 ans le 1er janvier 2023. À la naissance d’axelle, les démarches journalistiques féministes étaient rares ; isolées, les journalistes qui racontaient les femmes autrement qu’à travers un regard patriarcal. Aujourd’hui, de toutes parts, nous entendons le bruissement des initiatives médiatiques féministes. Leur son, un entrelacs de sons, nous réjouit.

Pourtant, malgré notre nombre, notre ténacité et nos efforts pour le faire vaciller, l’édifice patriarcal est encore solide, fermement arrimé à la société. Ses fondations sont profondes. Les femmes continuent à être “mâle-traitées” dans l’information. Les pratiques journalistiques féministes que nous, et tant d’autres, avons développées au fil du temps, sont marginales et marginalisées. Nous souhaitons donc, dans ce brouillon, partager des façons de faire, inviter à repenser la fabrication des récits médiatiques et situer notre démarche dans la perspective d’une société démocratique plus égalitaire, plus juste, plus solidaire.

Comment nous y prendre ?

Nous avons demandé à nos lectrices, au début de cette année anniversaire, d’exprimer leurs attentes vis-à-vis d’un journalisme féministe. Chacune de leur côté, sur le web, sur papier, ou alors en petit groupe, accompagnées parfois par des animatrices du mouvement Vie Féminine qui édite notre magazine, des femmes – plus de 180 – ont choisi, avec soin, des mots importants pour elles. Ces mots (comme “Émancipation”, “Écoute”, “Multiplicité”, “Soin” ou encore “Temps”), rassemblés dans une matrice nourrie au fur et à mesure des réponses reçues, ont tissé la trame du brouillon. Ils ont donné forme à son architecture. Ce sont eux qui ont déterminé les entrées de ces textes ; ils ont aussi donné du sens à cette proposition réflexive d’analyse de nos pratiques. Car si nous sommes journalistes, c’est pour que les histoires que nous portons soient lues, vues, entendues, par celles avec lesquelles nous sommes en dialogue.

Pourquoi “brouillon” ?

Éclairons d’abord la minuscule au b. Tout comme notre magazine axelle, le terme s’écrit sans majuscule à l’initiale, dans un geste typographique qui s’écarte de la norme, une façon de mettre toutes les lettres à la même hauteur. Toutes égales. On ne doit pas lever la tête avec déférence pour regarder l’initiale. Femmage au passage à la féministe afro-américaine bell hooks, qui a forgé son pseudonyme en insistant sur les minuscules, une façon pour elle de dire que ses travaux étaient plus importants que sa personne, d’insister sur leur accessibilité.

Et puis brouillon parce qu’esquisse, parce que suggestions, parce qu’hésitations. Nous ne proposons pas un “manuel” qui devrait être respecté à la lettre, des “leçons” sur ce qu’il faudrait faire ou non. Nous ne voulons pas attribuer des bons ou des mauvais points. Pour nous, le mot “brouillon” – en l’occurrence un brouillon partagé, collectif – exprime la sincérité de notre projet, écrit, crayonné parfois, avec nos têtes et avec nos cœurs, avec joie aussi, sans condescendance. C’est un brouillon composé de morceaux qu’on a collés, décollés, rapiécés. Il est parcellaire. Comme l’ont été en 1976 le Brouillon pour un dictionnaire des amantes écrit à quatre mains par l’écrivaine et militante lesbienne Monique Wittig et sa compagne, l’actrice et cinéaste Sande Zeig ou, plus récemment, en 2023, le Brouillon pour une encyclopédie féministe des mythes, une traversée des mythes que les huits membres du collectif Les Jaseuses qui l’ont composée (Maud Plantec Villeneuve, Cassandre Martigny, Mathilde Leïchlé, Suzel Meyer, Anna Levy, Manon Berthier et Caroline Dejoie) ont souhaitée “brouillonnesque”.

Et c’est le premier brouillon : le brouillon 1. Nous espérons qu’il y en aura un deuxième, un troisième ; que cette proposition sera améliorée, nourrie, étirée, recomposée, par d’autres que nous. Nous sommes conscientes que cette première version est d’une part très située dans l’écosystème d’un magazine en particulier, celui d’un média principalement papier, riche de son histoire et de son identité. Nous savons que nous ne sommes pas, plus, seules sur cette planète, que mille et une autres propositions existent, que nous sommes bien loin de toutes les connaître. Nous souhaitons les découvrir, les mettre en lumière, dans la suite de ce travail, avec d’autres. Le “1”, c’est une invitation. Emparez-vous de cette matière, améliorez-la : elle vient des femmes, elle nous appartient à tous·tes.

Pourquoi “un” journalisme féministe ?

Pour ne pas définir de façon limitative ce que serait “le” journalisme féministe et, dans un même mouvement, exclure d’autres manières de voir, de faire. Il n’y a pas qu’une seule façon d’agir en journaliste féministe ; chaque section de ce brouillon ne suffit d’ailleurs pas à définir ce que serait “le” journalisme féministe mais, mises bout à bout, toutes donnent des indices. Ce n’est pas une nouvelle discipline que nous souhaitons créer : c’est une invitation à repenser le monde, à notre échelle.

“brouillon 1 pour un journalisme féministe” est téléchargeable ici.