Ce premier numéro de L’Amorce n’en est pas vraiment un. La revue existe en ligne depuis cinq ans déjà. Née en novembre 2018, elle propose des réflexions, des entrevues et des comptes rendus d’ouvrages sur l’exploitation des animaux non humains. Depuis la disparition des Cahiers anti­spécistes (1991-2019), L’Amorce est la principale revue francophone à se pencher, obstinément, sur cette discrimination selon l’espèce qu’est le spécisme. Aujourd’hui, le fruit est assez mûr pour un rendez-vous annuel dans un format papier.

La cause animale est mal comprise, toujours placée en marge des débats – notamment sur la crise climatique et sur la crise de la biodiversité. L’antispécisme fait souvent figure d’épouvantail dans les médias de gauche comme de droite. Quant au monde universitaire, que fréquentent plusieurs membres de l’équipe, il demeure étonnamment conservateur lorsqu’il s’agit d’examiner les privilèges humains. Bref, il est plus que jamais nécessaire de parler de spécisme.

Pour ce premier numéro, nous avons sélectionné des articles qui reflètent la diversité de la revue et ouvrent des pistes pour comprendre et combattre le spécisme. Nous avons aussi décidé de publier des documents comme la Déclaration de Montréal sur l’exploitation animale, signée en 2022 par plus de 550 philosophes moraux et politiques, ou la Lettre ouverte aux féministes, adressée en 2021 à divers collectifs. Nous avons aussi demandé à Peter Singer, Carol J. Adams et Kaoutar Harchi de nous accompagner dans cette mue éditoriale.

La cause animale est mal comprise, toujours placée en marge des débats – notamment sur la crise climatique et sur la crise de la biodiversité. L’antispécisme fait souvent figure d’épouvantail dans les médias de gauche comme de droite.

Pour l’occasion, la revue s’est enrichie d’une nouvelle rubrique, Riposte qui, comme son nom le suggère, répond à des propos d’autrices ou d’auteurs qui s’opposent à l’antispécisme. Le philosophe Baptiste Morizot et l’anthropologue Charles Stepanoff l’inaugurent malgré eux.

Cette première édition imprimée de L’Amorce offre un bon aperçu de l’étendue des analyses que permet la perspective antispéciste. On y parle des liens entre le spécisme, la gauche et la droite, ou encore entre le spécisme et l’écologie. On regarde du côté de l’intelligence artificielle, de la psychologie des intuitions ou de l’injonction à la vaccination, mise en perspective avec celle à arrêter de consommer de la viande. On se demande ce que vaut l’argument de l’inefficacité du véganisme ou pourquoi le spécisme est une obligation sociale. On aborde même la question complexe de l’aide aux animaux dans la nature.

Un des premiers articles publiés en ligne s’intitulait de façon programmatique : « Contre le spécisme, la bataille culturelle reste à livrer ». Cinq ans plus tard, la bataille est très loin d’être gagnée, mais l’équipe de L’Amorce, depuis ses postes d’observation au Québec, en France et en Angleterre, est plus que jamais déterminée à donner la parole à celles et ceux qui la livrent.

Ce premier numéro de L’Amorce en papier se trouve dans toutes les bonnes librairies en France depuis le 17 avril 2024. On peut également le commander en ligne. Il sera disponible au Québec en juin.