Contre le bourrage de crâne L’expression du « bourrage de crâne » s’est surtout diffusée pendant la Première Guerre mondiale, pour dénoncer la propagande et la censure gouvernementales. Un siècle plus tard, il est l’œuvre de quelques milliardaires qui détiennent l’essentiel des médias français, l’État ne jouant plus son rôle de garant d’une véritable pluralité. Avec des bouts de ficelle et pas mal d’énergie, nous essayons de faire émerger un autre regard sur le monde avec ce journal papier que vous tenez en main. Pour faire grandir et pérenniser La Brèche, nous avons lancé un appel à abonnements dans notre précédent numéro. Il nous a permis d’obtenir plus de 350 souscriptions. Merci à tous car cela nous permet d’approcher la barre des 1 500 abonné·es. Cette campagne ne se limite pas aux chiffres. Elle a été l’occasion de se rendre compte que nos articles ne sont pas de simples coups d’épée dans l’eau (lire ci-contre « Vente d’armes… ») et nous a confortés dans le fait qu’il est indispensable de traiter des enjeux sanitaires, technocritiques et environnementaux de l’époque avec rigueur et honnêteté, en réunissant ces trois thématiques plutôt qu’en les cloisonnant. Réhabiliter le discours scientifique Le 6 novembre dernier, le Conseil d’État a confirmé la sanction de 20 000 euros infligée à CNews par l’Arcom en juillet 2024 pour « désinformation climatique ». Depuis une dizaine d’années maintenant, avec Donald Trump en chef de file, progresse inexorablement le régime de la post-vérité – « une culture politique dans laquelle les leaders orientent les débats vers l’émotion […] en ignorant, consciemment ou non, les faits », d’après Wikipédia. Heureusement les faits sont tenaces, comme le rappelle Emmanuelle Amar, épidémiologiste, lanceuse d’alerte de l’affaire dite des « bébés nés sans bras » et directrice du registre de malformations congénitales Remera, qui a failli disparaître par manque de volonté politique : « Par quel miracle l’équipe et le registre Remera ont-ils été sauvés ? Cela tient en peu de mots : la vérité sur les faits. Encore fallait-il rendre cette vérité intelligible et la diffuser ! » C’est là qu’on intervient : « Les sollicitations pleuvaient. Je n’ai voulu accorder ma confiance qu’aux journalistes qui ne me croiraient pas sur parole, qui croiseraient les informations, questionneraient les faits et les analyses divergentes. Parmi eux, un journaliste de La Brèche s’est faufilé, et a fait le job. Jusqu’au bout. C’est ainsi que La Brèche a participé au sauvetage du registre : en bouclier contre les rumeurs et mensonges. » Face aux discours qui flattent les émotions, l’argumentaire scientifique doit retrouver une place centrale. Car qui de mieux placé que celles et ceux qui travaillent quotidiennement sur une problématique pour l’évoquer ? Notre mission n’est pas de relayer des campagnes de communication ou des éléments de langage, mais bien de décortiquer au mieux les enjeux complexes d’un monde qui l’est tout autant. Cela demande du temps dans une société qui semble toujours en manquer, mais c’est le prix à payer pour résister au bourrage de crâne.