Le sentez-vous ? Le souffle de la déflagration qui vient jusqu’à nous. Ukraine, Gaza, États-Unis… N’imaginez pas vous frayer un chemin entre les gouttes, ce qui s’est levé ne retombera pas. Les discours ne s’effaceront pas. Les coups ne sont plus de semonce. Ils tuent, frappent et cognent où ça fait mal. Ils remuent frénétiquement le couteau dans la plaie. Là-bas, ici et partout. 

Ils visent les noirs, les arabes, les asiatiques, les latino-américains. Les juifs. Les pédés, les gouines, les trans. Les femmes, tout simplement. Mais aussi les faibles, les personnes en situation de handicap. Toutes celles et ceux qui n’ont pas la décence d’être ce que les haineux attendent d’elleux.

Et les journalistes dans tout ça ? Il y a celles et ceux que l’on déteste et qui ne méritent peut-être même plus d’être appelé·es « journalistes ». On les trouve souvent sur BFMTV, CNews ou dans d’autres médias d’extrême droite. Il y a celles et ceux qui nous énervent, tant ils et elles servent la soupe au gouvernement. On les croise parfois à la télévision ou dans les pages de la presse mainstream. Il y a celles et ceux dont on se sent proches, qui usent encore et encore leur plume dans les colonnes de la presse indépendante.

Mais peu importe la sensibilité politique. Ce qui compte c’est que cette pluralité s’exprime au sein du paysage médiatique. Que tous les courants de pensée soient représentés. Qu’ils soient nauséabonds, horripilants ou justes (en fonction de ce que l’on pense). C’est le prix à payer d’une véritable liberté d’expression et de la presse.

Leurs mains, nos vies

Le problème n’est pas là. Il se loge, comme toujours, dans le cuir du portefeuille. L’argent, voilà le nerf de la guerre. En France, « un groupe de 10 milliardaires pèse 90% des ventes de quotidiens nationaux vendus, 55% de l’audience des télés, et 40% de celle des radios », détaille Libération.

Alors que très peu de médias sont actuellement rentables, comment expliquer que des « prodiges de la finance », s’entichent de sociétés accumulant les déficits ? L’influence, bien entendu. Quand on possède une société qui reçoit des milliards d’aides publiques ou profite de la commande étatique, il est rassurant de posséder une monnaie d’échange. Autre possibilité, la volonté de mener « un combat civilisationnel », comme le confesse Vincent Bolloré.

Dans les deux cas, la concentration des médias entre leurs mains est un danger vital pour la démocratie. Car la presse indépendante ne peut pas lutter à armes égales. Sans elle, nous perdrons la lutte à mort qui s’installe contre l’extrême droite. Et ne comptez pas sur les milliardaires « plus modérés » pour contrebalancer les folies conservatrices de Bolloré et de ses clones qui peuplent la planète. Seuls comptent leurs intérêts. 

Politiques vs journalistes

Oui mais voilà, il y a encore plus grave. Quand les politiques œuvrent pour dézinguer ce qui reste de presse indépendante, le point de non-retour peut être atteint.

Trump, en premier, et son argument d’autorité : fake news ! Pour tout ce qui n’irait pas dans son sens. En 2022, il déclarait : « Vous demandez au journaliste de donner l’identité de sa source… et s’il refuse, c’est « salut ! ». Le journaliste est jeté en prison. Lorsqu’il apprend qu’il sera marié à un autre prisonnier extrêmement costaud, coriace et mauvais, il dira, « vous savez, je crois que je vais vous donner l’information que vous demandez ». » Sur les murs du Capitole assaillis par ses sbires, on pouvait lire des tags « Assassinez les médias ». En 2018, il parlait de CNN comme « d’un ennemi du peuple ». Ces mots, on les retrouve dans le titre de l’ordonnance « Pour la protection du peuple et de l’État », prise en 1933 par le tout fraichement élu Adolphe Hitler et signant noir sur blanc la fin de la liberté de la presse.

Après son élection, Trump a fermé la porte de sa soirée électorale à plusieurs médias, coupables selon lui de relayer de fausses informations à son encontre. Il promet de se venger de ces journalistes et envisage de retirer leur licence de diffusion à plusieurs chaines de télévision, s’attaquant ainsi frontalement au premier amendement de la constitution américaine, garantissant la liberté de la presse et d’expression. Amendement sur lequel il aura pourtant allègrement capitalisé. Quand il n’existe plus de vérité, le sens des mots et des concepts s’effondre.

Nous pourrions ici parler de ce que Franco faisait à la presse, de la situation en Hongrie, en Chine ou en Russie. Mais comprenez bien, partout la presse est en danger. En France aussi.

Le dangeRN

Marine Le Pen a prévenu. Si elle est élue en 2027, elle coupera les subventions aux médias, qui les font pourtant vivre en grande partie. Faisant la part belle aux titres détenus par des milliardaires ou des grands groupes. 

Mais ce n’est pas tout.On apprend dans l’indispensable StreetPress que deux députés RN-Ciotti viennent de déposer des amendements au projet de loi de finances pour que le taux de TVA attribué aux médias (papier comme en ligne) passent de 2,1% à 20% !

Pas besoin de vous expliquer les conséquences que pourrait avoir une telle décision. Même dans les rangs de la presse d’extrême droite, ces amendements ne passent pas : « Il faut bien comprendre que le sujet de l’abonnement, c’est qu’on a un panier moyen qui reste faible, les lecteurs n’ont pas un budget extensible. Je pense que certains députés ne maîtrisent pas le sujet ! », s’insurge Erik Tegnér, fondateur du média au titre évocateur Frontières.

Ces amendements ne passeront pas. Mais nous en sommes là, pour le moment. Car l’extrême droite sera toujours du côté du contrôle des foules, et donc toujours contre la presse libre et indépendante. Contre Mediapart, contre StreetPress, contre Politis, Basta, Fracas, Le Média, Blast, La Déferlante, Reporterre, Frustration, Terrestres, CQFD, Marsactu, Vert, Index, Arrêt sur images, Médiacités, Splann !, Médiavivant, Disclose, Jek Klak et bien d’autres. Contre, aussi, bien entendu, La Disparition.

Ne nous laissons pas faire ! Parlez-en autour de vous. Convainquez que nous sommes importants, vitaux même. Et plus que jamais, vive la presse libre, épistolaire et indépendante !

– Jeudi 14 novembre 2024 –