La justice a relaxé notre journal dans les deux procès en diffamation intentés par le groupe d’Hervé Legros et a condamné celui-ci pour procédure abusive. Dans le même temps, d’autres médias ont multiplié les révélations sur l’envers du promoteur immobilier.

Une double victoire pour Mediacités et une bouffée d’air pour la liberté de la presse face aux procès‐bâillons. Le 21 novembre dernier, le tribunal judiciaire de Lyon a relaxé notre journal face au promoteur Alila, l’un des leaders de la construction de logements sociaux en France. Mieux, il a considéré que les poursuites intentées contre notre rédaction étaient abusives et a condamné le groupe du PDG Hervé Legros à 5 000 euros de dommages et intérêts et 5 000 euros de remboursement de frais de justice.

Rapide rappel des faits : Alila nous avait attaqué à deux reprises pour diffamation, à la suite de la publication de trois articles, et nous réclamait 60 000 euros de dommages et intérêts et 30 000 euros pour le remboursement de ses frais de justice.

Les deux premiers articles poursuivis faisaient état de factures impayées auprès de plusieurs sous‐traitants du promoteur Alila. Le troisième article documentait l’ambiance interne au groupe, sur la base de nombreux témoignages d’anciens salariés, alors qu’Hervé Legros fait actuellement l’objet d’une information judiciaire pour harcèlement moral et abus de biens sociaux.

« Un véritable signal adressé à Alila et Hervé Legros »

Après avoir fusionné les deux procédures à l’encontre de Mediacités, le tribunal a estimé que les propos poursuivis, qui correspondaient notamment à des citations d’interlocuteurs, contenaient des allégations diffamatoires. Mais il a reconnu le sérieux des enquêtes de nos journalistes Hugo Coignard et Mathieu Périsse ainsi que le motif légitime d’information de nos lecteurs. Il a donc relaxé Mediacités au bénéfice de la bonne foi.

https://www.mediacites.fr/la-fabrique/lyon/2023/10/18/mediacites-versus-alila-le-proces-du-secret-des-sources/embed/#?secret=iilZ0QBeBI#?secret=Ybziu5hRvM

Ce n’est pas tout. Le tribunal a été plus loin, en condamnant solidairement Alila et son PDG Hervé Legros à 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, au titre de l’article 472 du code de procédure pénale, et à 5 000 euros pour le remboursement de nos frais de justice. « La reconnaissance par les tribunaux de l’abus de procédure en matière de presse n’est pas fréquente. Il s’agit ici d’un véritable signal que la 6e chambre correctionnelle du tribunal de Lyon adresse à Alila et Hervé Legros », souligne Vincent Fillola, avocat de Mediacités.

En guise de contre‐signal, le promoteur immobilier s’entête dans son acharnement contre Mediacités : Alila a aussitôt interjeté appel du jugement du 21 novembre… après avoir entamé, quelques jours plus tôt, une nouvelle et troisième procédure contre notre journal.

Troisième citation directe

Le 30 octobre dernier, le groupe d’Hervé Legros a en effet adressé à Mediacités une nouvelle citation directe (la troisième, donc) pour diffamation suite à la publication d’un article, le 26 septembre 2023, dans lequel nous reprenions simplement et brièvement une information du journal en ligne L’Informé. Nos confrères faisaient état d’un redressement fiscal substantiel imposé par Bercy à Hervé Legros.

https://www.mediacites.fr/breve/lyon/2023/09/26/alila-la-justice-confirme-un-redressement-fiscal-sale-pour-le-pdg-herve-legros/embed/#?secret=gewjr6vEGO#?secret=biewYFLzCz

Cet acharnement judiciaire nous conforte dans notre conviction que les attaques d’Alila sont des procédures bâillons dont le but premier est de nous épuiser moralement et financièrement et de nous faire taire. Mais aussi de décourager le reste de la presse d’enquêter sur le fonctionnement de l’entreprise et sur ses déboires ? Si tel est cas, c’est loupé. Ces dernières semaines, d’autres titres sont allés, à leur tour, ausculter les coulisses du promoteur lyonnais.

L’Informé, Le Moniteur, Ouest‐France

Nos confrères de L’Informé, encore eux, dans un article intitulé « Alila : l’empire d’Hervé Legros en pleine déconfiture » ont ainsi révélé, le 18 octobre dernier, que le promoteur avait fait l’objet d’une note sévère de la part d’une société spécialisée dans la gestion du risque client et fournisseur. Concrètement, cet analyste déconseille aux professionnels du bâtiment d’entamer ou d’entretenir des relations commerciales avec Alila.

La semaine dernière, Le Moniteur, journal des professionnels du BTP, a publié pas moins de quatre enquêtes sur le groupe d’Hervé Legros. Dans deux d’entre elles, nos confrères mettent en cause le chiffre d’affaires ou le volume de logements construits affichés par le promoteur. Dans une autre, ils démontrent qu’une partie des implantations d’Alila sur le territoire français sont des « agences fantômes », parfois une simple boîte aux lettres. Leur dernier article raconte enfin comment, en Bretagne et dans les Pays de la Loire, des entreprises prestataires ou fournisseurs d’Alila victimes d’impayés se regroupent en vue d’une action collective contre le promoteur.

La semaine dernière toujours, Ouest‐France consacrait un reportage à une résidence du Mans composée de 18 maisons individuelles construites par Alila qui, selon le quotidien, « présentent de multiples fissures et malfaçons ». Cette résidence a fait l’objet d’une inspection de la Direction départementale des territoires (DTT).  

La multiplication des révélations sur le groupe Alila confirme que nous avions visé juste en nous intéressant de plus près à ce promoteur, encensé pendant des années pour sa réussite fulgurante. Hélas, notre flair nous vaut aussi de faire face à l’artillerie lourde du groupe sur le front judiciaire. Un combat encore loin d’être terminé.

Si vous souhaitez nous aider

Dans la bataille qui nous oppose au promoteur Alila, Mediacités tient à remercier toutes les lectrices et tous les lecteurs qui nous ont exprimé leur soutien. Vous pouvez toujours nous aider à résister aux procédures‐bâillons en réalisant un don défiscalisé à Mediacités.

Publié le 27 novembre 2023 à 12h14

Par Nicolas Barriquand