Dans un mail interne envoyé à son état-major, le patron de LVMH interdit toute communication avec sept “publications orientées”. Qui pour certaines ont publié des enquêtes sur les méthodes du géant du luxe. Étonnant, non ?
Par Richard Sénéjoux
Publié le 19 septembre 2024 à 15h00 – Télérama
Bernard Arnault et la liberté de la presse, suite. Après des démêlés avec François Ruffin et son journal Fakir ou des soupçons d’ingérence aux Échos, qu’il possède, le patron de LVMH refait des siennes. Dans un mail interne daté du 17 janvier dernier et révélé par La Lettre, on apprend que le troisième homme le plus riche du monde (selon Forbes) envoie des « recommandations » à son état-major en matière de médias. Une note, dans laquelle il dresse une liste noire de ceux à qui les cadres de LVMH ont une « interdiction absolue de parler », au risque de se faire licencier – rien de moins.
Sept médias au total : La Lettre, Mediapart, Le Canard enchaîné, L’Informé [dont l’actionnaire est Xavier Niel, accessoirement beau-fils de Bernard Arnault, ndlr], les sites indépendants américains Miss Tweed et Puck, et Glitz Paris (média d’investigation sur le luxe). Des titres que Bernard Arnault considère comme des « publications orientées », des « sites dits d’investigation » ou des « lettres soi-disant confidentielles. » « Je condamne formellement tout comportement consistant à entretenir des relations avec des journalistes peu scrupuleux et leur donner des informations ou des commentaires sur la vie du groupe, écrit-il. […] Je serai donc intraitable devant tout manquement à ces règles, qui marquerait pour moi un défaut de loyauté intolérable. » Les hauts cadres du groupe sont ensuite ainsi invités à transmettre le message aux principaux responsables de chaque division. « Tout manquement à ces recommandations (et cela sera inévitablement connu) sera considéré comme une faute grave, avec les conséquences qui y sont attachées », menace même Bernard Arnault. Glaçant.
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De leur côté, les « journalistes peu scrupuleux » apprécient modérément d’être blacklistés de la sorte. « On l’aura compris, le milliardaire ne goûte que très peu nos révélations sur l’envers de son empire du luxe », écrit ainsi Mediapart. Qui rappelle dans un article les nombreuses enquêtes menées par le site d’information sur LVMH et son patron. « Il faut compter avec le fait que les médias recherchent aussi des informations “confidentielles”, venant de sources internes en dehors des circuits de communication que nous avons mis en place », prévient de son côté Bernard Arnault. Oui, et certains vont même jusqu’à appeler cette pratique du… journalisme.