Éditorial

Il s’en est fallu de peu que Saxifrage se ratatine le format et finisse, comme les autres, à la mode tabloïd. Et ceci, au départ, pour une raison principalement matérielle, puisque notre imprimerie de toujours, Portier (à Albi), a décidé de se séparer définitivement du monstre offset qui, jusque-là, accouchait de ces grandes feuilles de chou qui puent l’encre ; un engin large comme un autobus, long d’au moins cinq mètres, des services duquel nous sommes désormais contraints de nous passer.

Différentes possibilités se sont donc présentées. Un temps, certains d’entre nous plaidaient pour un rétrécissement du journal. Plus petit, le journal serait plus simple à mettre en page, à faire imprimer, à plier aussi – puisque actuellement, sa grande taille nous empêche d’avoir recours à une plieuse automatique. Plus petit – nous le pensions naïvement – le journal serait sans doute moins onéreux. Et puis, après ces huit ans d’édition (déjà !), peut-être était-il aussi temps de faire bouger la maquette, tout simplement, pour se dégourdir un peu. Mais nos premières recherches ont apporté plus de problèmes que de réponses, et nous ont fait revoir certains de nos jugements. Pour cette raison principale : ce qui est plus petit n’est pas nécessairement moins cher. Réduire de moitié notre taille, c’eût été, mécaniquement, doubler au moins le nombre de nos pages ; passer de 8 à 16, sinon 20, augmentant finalement la série d’opérations impliquées dans le processus d’édition : le flashage des pages1, leur impression à proprement parler, leur découpage, leur assemblage… Et bref, il faut plus de travail pour éditer un texte sur quatre petites pages, que sur une seule grande.

Ce constat, évident lorsqu’on y pense, ne nous avait pas sauté aux yeux : le format XXL et historique de Saxifrage est contre toute attente un format écologique et optimisé. Les premiers choix que nous avions faits, conscients ou non de ces considérations-là, étaient donc déjà les bons. Mais voilà, retour à la case départ : impossible dès lors de continuer à faire imprimer chez Portier. Nous sommes donc partis en quête d’une autre fabrique, avec toujours deux exigences en tête : celle d’imprimer le journal non loin d’ici, et à un coût soutenable pour nous, c’est-à-dire nous permettant de maintenir le prix actuel de trois euros. Il convient de rappeler que l’imprimerie représente la quasi-intégralité de nos dépenses : personne d’autre n’est payé dans notre affaire, et Saxifrage doit notamment beaucoup aux maquettistes de l’ombre (qui s’avèrent être des maquettistes, mais on ne voit pas la différence du fait du caractère épicène du mot).

Après quelques prospections, nous nous sommes tournés vers l’imprimerie Escourbiac, située à Graulhet, réputée pour son sérieux, et avec laquelle certains d’entre nous avaient déjà eu l’occasion de travailler. Et, in fine, vous tenez entre les mains le résultat de ces pérégrinations : un grand format, quasiment le même que celui des vingt-sept numéros précédents, plus intelligent qu’il n’y paraît, qu’on a toujours bien du mal à dissimuler, et qui s’ouvre grand comme une fenêtre. Un format « optimisé », qui ne laisse pas le papier en friche, qui ne perd pas de place, qui ne rogne pas ses marges. Un format marginal, à tous les sens du terme. Une taille hors-norme dédiée aux récalcitrants de tous les bords, à toutes celles et ceux que le pouvoir destitue, soufflette, repousse… toujours plus à la marge, et souvent au-delà, à coups de massicot.

1. Le flashage est une étape de l’édition lors de laquelle la maquette numérique est transférée sur un ensemble de plaques, qui serviront de support définitif à l’impression en série sur l’imprimante offset. Ce sont ces supports qui guideront le passage de l’encre sur les feuilles lors de l’impression.

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